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Transport de patients entre établissements de santé, du nouveau, arrêt du CE du 8/2/2017


Actualités juridiques

Prise en charge des transports SMUR

Arrêt du Conseil d’Etat du 8 février 2017

Commentaire

Isabelle SCHMELTZ

Avocat au Barreau de Nice

Spécialiste en droit des sociétés

 

Dans un arrêt très récent le Conseil d’Etat vient de trancher la délicate question de la prise en charge financière des transports d’urgence (SMUR).

Dans cette affaire un Centre  hospitalier universitaire (CHU), disposant d’une structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR), avait  assuré, à la demande d’une clinique, établissement de santé privé autorisé à assurer un service d’urgence, le transport de certains de ses patients vers d’autres établissements de santé et avait  facturé à la clinique les prestations correspondantes.

Cette dernière avait demandé au tribunal administratif de Nice, qui avait alors fait droit à sa demande, par un jugement du 21 novembre 2014, d’annuler un titre de recettes et cinquante-quatre avis de sommes à payer valant titre exécutoire émis entre février 2012 et janvier 2013, correspondant aux transports effectués entre décembre 2011 et décembre 2012, pour un montant total de 48 551,62 euros.

Le CHU devait faire appel de cette décision devant la Cour d’Appel administrative de Marseille qui devait, dans un arrêt du 16 juillet 2015, accueillir favorablement mais  partiellement  le CHU dans sa demande.

La clinique devait alors se pourvoir en cassation sur cette décision.

Quelle est la problématique juridique :

Quels sont les textes applicables ?

Aux termes de l’article L. 6112-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à ce litige : « Les établissements de santé peuvent être appelés à assurer, en tout ou partie, une ou plusieurs des missions de service public suivantes : (…) 8° L'aide médicale urgente (…) ». Aux termes de l’article L. 6311-1 du même code : « L'aide médicale urgente a pour objet, en relation notamment avec les dispositifs communaux et départementaux d'organisation des secours, de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu'ils se trouvent, les soins d'urgence appropriés à leur état ».

Aux termes de l’article L. 6311-2 du même code : « Seuls les établissements de santé peuvent être autorisés (…) à comporter une ou plusieurs unités participant au service d'aide médicale urgente, dont les missions et l'organisation sont fixées par voie réglementaire. / Un centre de réception et de régulation des appels est installé dans les services d’aide médicale urgente. (…) Les services d'aide médicale urgente (…) sont tenus d'assurer le transport des patients pris en charge dans le plus proche des établissements offrant des moyens disponibles adaptés à leur état, sous réserve du respect du libre choix ». Il résulte de l’article R. 6311-2 de ce code qu’à cette fin, ils « organisent, le cas échéant, le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires ».

Aux termes de l’article R. 6123-1 du code de la santé publique : « L'exercice par un établissement de santé de l'activité de soins de médecine d'urgence (…) est autorisé selon une ou plusieurs des trois modalités suivantes : / 1° La régulation des appels adressés au service d'aide médicale urgente mentionné à l'article L. 6112-5 ; / 2° La prise en charge des patients par la structure mobile d'urgence et de réanimation, appelée SMUR (…) ; / 3° La prise en charge des patients accueillis dans la structure des urgences (…) ». Aux termes de son article R. 6123-15 : « Dans le cadre de l'aide médicale urgente, la structure mobile d'urgence et de réanimation mentionnée à l'article R. 6123-1 a pour mission : / 1° D'assurer, en permanence, en tous lieux et prioritairement hors de l'établissement de santé auquel il est rattaché, la prise en charge d'un patient dont l'état requiert de façon urgente une prise en charge médicale et de réanimation, et, le cas échéant, et après régulation par le SAMU [service d’aide médicale urgente], le transport de ce patient vers un établissement de santé ; / 2° D'assurer le transfert entre deux établissements de santé d'un patient nécessitant une prise en charge médicale pendant le trajet. / Pour l'exercice de ces missions, l'équipe d'intervention de la structure mobile d'urgence et de réanimation comprend un médecin ». Aux termes de son article R. 6123-16 : « Les interventions des SMUR (…) sont déclenchées et coordonnées par le SAMU ».

A cette fin, le médecin régulateur du service d’aide médicale urgente (SAMU) peut, en vertu de l’article L. 1111-17 du même code, accéder, sauf opposition expresse précédemment manifestée par le patient, au dossier médical personnel de celui-ci.

Enfin, en vertu de l’article R. 6123-18 du code de la santé publique, tout établissement autorisé à exercer une prise en charge des patients dans

Enfin, en vertu de l’article R. 6123-18 du code de la santé publique, tout établissement autorisé à exercer une prise en charge des patients dans une structure des urgences est tenu d'y accueillir en permanence toute personne qui s'y présente en situation d'urgence ou qui lui est adressée, notamment par le SAMU. L’article R. 6123-19 de ce code précise que : « Pour assurer, postérieurement à son accueil, l'observation, les soins et la surveillance du patient jusqu'à son orientation, l'établissement organise la prise en charge diagnostique et thérapeutique selon le cas : (…) 5° En liaison avec le SAMU, en l'orientant vers un autre établissement de santé apte à le prendre en charge et, si nécessaire, en assurant ou en faisant assurer son transfert (…) ».

Il résulte de ces dispositions du code de la santé publique ci-dessus que les établissements de santé autorisés à prendre en charge des patients accueillis dans une structure des urgences sont responsables, lorsqu’elle est médicalement nécessaire, de l’orientation de ces personnes vers l’établissement de santé apte à les prendre en charge, en liaison avec le SAMU. Dans un tel cas, le transport du patient vers cet établissement peut être assuré, conformément à l’article R. 6311-2 de ce code, en faisant appel, selon les besoins du patient, à une entreprise privée de transport sanitaire ou à un service public, notamment à leur propre structure mobile d’urgence et de réanimation s’ils en ont une ou celle d’un autre établissement. La décision de transporter un patient par une structure mobile d’urgence et de réanimation, qui ne peut agir que dans le cadre de sa mission de service public d’aide médicale urgente, limitativement définie à l’article R. 6123-15 du code de la santé publique, est prise, sous sa responsabilité, par le médecin régulateur du SAMU, qui a estimé cette intervention médicalement justifiée au regard de l’état du patient.

La cour administrative d’appel de Marseille avait dans ce contexte jugé que le transfert d’un

patient entre deux établissements assuré par une structure mobile d’urgence et de réanimation ne relevait pas nécessairement de l’aide médicale urgente telle qu’elle est définie par l’article L. 6311-1 du code de la santé publique, ce dont elle a déduit que certaines des interventions d’une telle structure, au seul motif que le transfert n’avait pas pour objet de faire assurer au patient des soins d’urgence dans l’établissement de destination, ne relevaient pas d’un financement par la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation, mentionnée aux articles L. 162-22-13 et D. 162-6 du code de la sécurité sociale, au titre de l’aide médicale urgente.

 

Le Conseil d’Etat dans sa décision du 8 février 2017 considère qu’en statuant ainsi, la cour d’appel de Marseille  a commis une erreur de droit dès lors, ainsi qu’il résulte du cadre juridique précisé ci-dessus, qu’une structure mobile d’urgence n’intervient que dans le cadre de sa mission de service public d’aide médicale urgente, sur décision du médecin régulateur du SAMU.

 

***

 

Cette décision est extrêmement importante en ce qu’elle tranche définitivement de nombreux contentieux entre les établissements privés et les CHU.

 

Le contexte légal, règlementaire et administratif:

 

Les Services Médicaux d’Urgence (SMUR) constituent par nature une activité du service public hospitalier au sens des articles L. 6112-2 et L 6112-5 du code de la santé publique.

 

Il est donc incontestable que c’est dans ce cadre que la clinique  avait reçu des patients dont l’état de santé nécessitait la prise en charge par un autre établissement du CHU de Nice, seul apte à leur dispenser les soins appropriés à leur état.

 

Dans ce contexte le transport est assuré, sous surveillance médicale par le Service Mobile d’Urgence et de Réanimation (dit SMUR). Cette activité de transport étant un service public est financée par les MIG (mission d’intérêt général) et n’est donc pas facturé au patient.

 

Ce faisant il n’y avait aucune raison de voir refacturer ces prestations entrant dans le cadre de la prise en charge par les MIG, à la Clinique (CASS CIV 2 N° 03-19677 du 11 juillet 2005).

 

Il convient ici de préciser qu’il s’agissait dans cet arrêt « d’urgences » mais ceci est vrai pour les autres transports dès lors que c’est l’état du patient qui nécessite le transport.

 

Il doit être ici précisé à notre sens  que :

 

-           Les SMUR primaires ne doivent pas donner lieu à facturation (il s’agit d’un patient ayant fait l’objet d’une arrivée dans l’établissement et nécessitant son transfert vers un autre plateau technique adapté).

-           Les SMUR secondaires doivent être distinguées en transferts provisoires et transferts définitifs.

 

         Transfert provisoires : le patient revient dans l’établissement initial, le transport est alors facturable à l’établissement demandeur.

         Transferts définitifs : ce sont des transferts supérieurs à 48 h, qui ne sont pas facturables et rentrent dans la catégorie des SMUR primaires.

 

 

Rappelons que les circulaires de 2007 (DHOS/DSS/CNAMTS N° 2007-330 du 24 août 2007) et de 2009 (DGHOS/F4/2009/319 du 19 octobre 2009) traitent du transport secondaire qui est le transfert d’un malade d’un hôpital à un autre afin de le faire bénéficier de soins ou d’explorations spécialisés avec retour dans l’établissement d’origine dans un délai maximum de 48 heures (moins de deux nuitées).

Il s’agit des transferts secondaires provisoires qui sont facturables à l’établissement et non des transferts secondaires définitifs qui ne le sont pas.

 

Cette circulaire précise bien que seuls « les transports secondaires, ou inter-établissements, sont financés par l’établissement d’origine dans le cas de transferts provisoires, - elle précise « c’est-à-dire avec un retour dans l’établissement d’origine dans un délai maximum de 48 heures »

 

De plus, la circulaire n° 121 du 13 février 2014 intitulée « NOUVELES REGLES DE PRISE EN CHARGE DES TRANSFERTS DIFINITIFS REALISES PAR LE SMUR » indique :

 

« Les instructions nationale régissant la prise en charge des transferts inter établissements définitifs par le SMUR … ont entraîné des divergences d’interprétation et d’analyses quant aux modalités de facturation de ces transports.

Après plusieurs échanges sur le sujet, le Ministère avait confirmé que les transports secondaires définitifs par SMUR (transfert supérieur ou égal à 48 h) devaient être assimilés à des transports primaires.

Ces transports sont donc couverts par l’enveloppe MIG versée à la structure gérant le SMUR.

En application de ces directives, les transferts inter établissements définitifs réalisés par les SMUR ne doivent plus être facturés par les centres hospitaliers gestionnaires des SMUR aux établissements de santé demandeurs du transfert, … »

 

Il en ressort, qu’en raison des divergences d’interprétation quant à la facturation, le Ministère a cru bon devoir confirmer une situation existante à savoir que les transferts définitifs par SMUR doivent être assimilés à des transferts primaires, c’est-à-dire ne donnant pas lieu à facturation.

 

De son côté  la Fédération de l’Hospitalisation privée avait demandé au Ministère des Affaires Sociales et de la Santé d’adresser une note aux structures gérant un SMUR afin que les pratiques de prises en charges des transferts secondaires définitifs soient harmonisées

 

En outre il ressort de l’article L 174 -1 du CSS qu’il existe bien une dotation annuelle de financement qui n’est absolument pas incompatible avec la faculté prévue par l’article D 162-6 du CSS de prévoir le financement du SMUR par la dotation de financement des MIG.

 

Et c’est ce même mode de financement qui est confirmé par la circulaire ministérielle sus visée et confirmé par l’ARS dans ses instructions.

 

Le mode de fonctionnement et de financement des smur:

 

 

Il est indéniable que les frais de fonctionnement du SMUR, transports primaires et transports inter-hospitaliers sont couverts par la MIG, ainsi que cela est spécifié (page 222 in fine) dans le guide de contractualisation des dotations finançant les missions d’intérêt général visé dans la circulaire DGOS/R5/20/2013/57 du 19 février 2013 du Ministère des affaires sociales et de la santé.

 

Le CHU en l’espèce tentait de faire valoir dans son argumentation,  les volets de la tarification T2A (tarification à l’activité) et notamment « la compensation des charges liées à l’accomplissement de missions d’intérêt général à la contractualisation par une dotation ad hoc. » (MIGAC)

 

Mais la T2A, qui a été introduite progressivement à partir de 2004 dans les établissements de santé anciennement sous dotation globale, ne peut s’appliquer à l’ensemble des missions des établissements de santé.

 

Dés 2005 une dotation dite Mission d'Intérêt Général a été constituée.

 

En application des articles D 162-6 à D 162-8 du CSS, peuvent être financées par la dotation MIGAC les trois grandes catégories suivantes :

 

           Les missions d’enseignement, de recherche, de recours et d’innovation (MERRI),

           Les autres MIG, dont l’aide médicale urgente réalisée par le SAMU et le SMUR respectivement mentionnés aux articles L 6112-5 et R 712-71-1 du code de la santé publique,

           L’aide à la contractualisation (AC).

 

Dans un rapport de 2009 établi par l’IGAS relatif à « une mission d’évaluation du financement des missions d’intérêt général dans les établissements de santé » page 49 paragraphe 2 il est écrit :

 

« … quelques difficultés sont apparues concernant le périmètre d’activité concerné par une MIG ou, au sein de ce périmètre, la définition de ce qui relève d’un financement MIG. Sinon, il est vrai que les missions retracés dans la liste MIG sont a priori légitimes et qu’il est donc délicat d’en remettre en cause le financement. Les mesures nouvelle ciblées mises en place depuis 2005 correspondent logiquement à des initiatives pertinentes. On peut penser que, dans certains domaines, une attitude plus active des ARH permettrait de rationaliser le dispositif (par exemple, mutualisation des SAMU, rationalisation des SMUR …). Il ne nous était pas possible, dans le cadre de cette mission, d’analyser ce potentiel de rationalisation. En tout état de cause, aucune ARH n’a fait état de projets laissant espérer des « économies » significatives à cour/moyen terme. »

 

Force est de constater qu’en aucun cas ce rapport ne conclut à la possibilité d’autres voie de financement pour les SMUR.

 

Cette question méritait d’être tranchée et elle l’est désormais.